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L'euro: une monnaie unique pour l'Europe

Christian Noyer, Conference Organised by IPAG School "L'euro: une monnaie unique pour l'Europe", Paris, 1 October 1998

Introduction

Trois mois à peine nous séparent maintenant du début de la troisième phase de l’Union économique et monétaire. Le 1er janvier 1999, l’euro deviendra la monnaie unique des onze pays initialement participants.

Pour l’Europe et pour le reste du monde, le projet de monnaie unique revêt une importance capitale. L’euro est l’occasion d’instaurer vraiment et durablement en Europe l’objectif de stabilité des prix, qui est à la source d’un développement économique fort et équilibré.

Les personnels de la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales de l’Union européenne sont fiers d’œuvrer en ce but. Je suis également fier de pouvoir participer à cette entreprise extraordinaire.

J’aimerais essayer de vous faire partager l’enthousiasme des banquiers centraux en abordant le thème de la culture de la stabilité et en vous parlant des objectifs et des responsabilités du Système européen de Banques centrales. Je voudrais aussi décrire brièvement les instruments de politique monétaire de la Banque centrale européenne et vous informer sur les travaux actuels de mise au point de la stratégie de politique monétaire.

La Banque centrale européenne va contribuer au développement d’une culture de la stabilité, qui doit aussi être le déterminant principal des politiques fiscales et de change.

La Banque centrale européenne va contribuer au développement d’une culture de la stabilité?

Des institutions européennes et nationales préparent la monnaie unique depuis plusieurs années. Parmi elles, l’Institut monétaire européen, qui a cédé la place à la Banque centrale européenne le 1er juin, et les banques centrales nationales, occupent bien sûr une place très importante.

Le Traité de Maastricht assigne à la Banque centrale européenne l’objectif de préserver la stabilité des prix dans l’ensemble des pays participants. Une politique monétaire claire, bien informée et inspirant la confiance du public est seule à même de garantir la stabilité des prix et, par là, de la valeur de l’argent. Je vais revenir sur ces éléments tout à l’heure.

L’objectif de stabilité des prix est la condition nécessaire à un développement économique fort et équilibré. J’aimerais simplement citer deux grandes raisons. Il y a d’abord le meilleur contenu en information des prix. Les prix, lorsqu’ils sont stables, peuvent mieux renseigner les agents économiques sur la qualité des produits, des biens ou des services, ce qui permet d’améliorer la pertinence des prises de décision et donc l’allocation optimale des ressources. Ensuite, il y a le fait que la réduction de l’incertitude sur les évolutions futures des prix rend les prévisions d’avenir plus fines. Cela permet sans doute à des projets de moyen ou long terme d’être mieux évalués et, par conséquent, financés d’autant plus que la stabilité des prix favorise le maintien des taux d’intérêt à long terme à un niveau modéré. Au total, la stabilité des prix favorise donc l’investissement et l’emploi. J’ajoute que la stabilité des prix est aussi un facteur essentiel de cohésion sociale. Car l’inflation conduit à des redistributions de richesses qui ne sont pas décidées démocratiquement, et qui pénalisent toujours les catégories les plus fragiles de la population.

Les systèmes bancaires et les marchés financiers des pays participants doivent également être solides et stables pour assurer convenablement le financement des économies et pour permettre une transmission efficace et rapide de la politique monétaire. Les règles de conduite dans ce domaine sont maintenant largement harmonisées au niveau de l’Union européenne, sur la base notamment de directives européennes. La Banque centrale européenne, et avant elle l’Institut monétaire européen, ont favorisé les initiatives des divers intervenants au regard de l’harmonisation de diverses conventions et pratiques des marchés financiers. En accord avec les statuts du Système européen de Banques centrales, la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales veilleront à ce que les évolutions et les changements structurels s’effectuent de manière ordonnée, tout particulièrement au début de la troisième phase de l’Union économique et monétaire.

Cette culture de la stabilité doit aussi être le déterminant principal des politiques fiscales, économiques et de change

Les économies de la zone euro ne pourront toutefois s’épanouïr pleinement que si, en dehors de la stabilité des prix, plusieurs autres conditions nécessaires sont remplies. Ces conditions touchent à trois domaines: les politiques budgétaires, les politiques économiques et la politique de change.

Les politiques budgétaires doivent viser à diminuer le poids des dettes publiques et à réduire ou annuler les déficits publics. A ce titre, le Pacte de stabilité et de croissance, sur lequel le Conseil européen d’Amsterdam s’est entendu en juin 1997, a permis de préciser les dispositions du Traité de Maastricht. Le Pacte de stabilité et de croissance constitue ainsi un engagement précis des gouvernements des pays de l’Union européenne, en faveur des objectifs de diminution des dettes publiques et de réduction des déficits publics. Bien entendu, le Pacte de stabilité et de croissance ne remet cependant pas en question le rôle stabilisateur que les finances publiques peuvent avoir lors des retournements de conjoncture.

Les autres volets des politiques économiques doivent quant à elles favoriser certains éléments ou être neutres par rapport à eux. Je citerai deux de ces éléments parmi les plus importants pour favoriser une croissance durable et équilibrée. D’une part, les marchés des biens et du travail doivent demeurer ou devenir suffisamment flexibles. D’autre part, les politiques salariales doivent rester modérées, c’est-à-dire tenir pleinement compte de la réalisation de l’objectif de stabilité des prix.

J’en viens finalement à la politique de change de l’euro. Selon le Traité de Maastricht, le Conseil des Ministres de l’Union européenne peut, sur recommandation de la Banque centrale européenne, ou sur recommandation de la Commission européenne et après consultation de la Banque centrale européenne, décider d’instaurer une politique de change vis à vis de certaines devises, à condition qu’une telle politique ne porte pas préjudice à l’objectif de stabilité des prix. Le Conseil européen de Luxembourg a confirmé, en décembre dernier, qu’une telle politique de change ne serait mise en œuvre que de manière exceptionnelle et en cas de désalignement manifeste des parités.

Les objectifs de la Banque centrale européenne sont clairement définis et son indépendance précisément garantie. Pour être la plus efficace possible, la Banque centrale européenne se doit d’être transparente et responsable.

Les objectifs de la Banque centrale européenne sont clairement définis et son indépendance précisément garantie

L’objectif premier de la Banque centrale européenne est d’assurer la stabilité des prix. Comme je l’ai déjà indiqué, cet objectif est énoncé dans le Traité de Maastricht et a donc une importance éminente. La Banque centrale européenne s’est engagée à rendre publique une définition quantitative de la stabilité des prix en tant qu’objectif, ce qui sera fait sous peu.

L’indépendance, non seulement de la Banque centrale européenne mais aussi de chacune des banques centrales nationales, est garantie par le Traité de Maastricht. Le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne comprend le président, le vice-président et les quatre autres membres du directoire de la BCE ainsi que les gouverneurs des banques centrales nationales des pays participants, soit 17 personnes. Les membres du Conseil des gouverneurs ne peuvent recevoir ni solliciter d’avis des gouvernements nationaux, d’institutions nationales, de la Commission européenne ou d’autres institutions européennes.

… Pour être la plus efficace possible, la Banque centrale européenne se doit d’être transparente et responsable

L’indépendance requiert de la Banque centrale européenne des devoirs importants, en termes de transparence et de ce qu’on appelle en anglais "democratic accountability".

Certains de ces devoirs sont énoncés dans le Traité de Maastricht. Le Traité stipule ainsi que la Banque centrale européenne doit publier un rapport trimestriel sur les activités du Système européen de Banques centrales. La Banque centrale européenne a indiqué qu’elle publierait également un bulletin mensuel.

Le Traité de Maastricht indique également que la Banque centrale européenne doit communiquer un rapport annuel au Parlement européen, à la Commission européenne, au Conseil des ministres et au Conseil européen. Ce rapport doit décrire la politique monétaire conduite au cours de l’année écoulée et la stratégie adoptée ainsi que les orientations retenues pour l’année en cours. Le Traité prévoit que le Parlement européen organise un débat sur ce rapport et que le président ainsi que les membres du directoire de la Banque centrale européenne répondent aux questions des parlementaires. Le Président de la Banque centrale européenne a quant à lui indiqué qu’il accepterait de se rendre au Parlement européen, sur l’invitation de celui-ci, tous les trois mois. Ces comparutions se rajouteront à la présentation du rapport annuel.

Par ailleurs, la Banque centrale européenne informera le public en détail sur sa stratégie, les raisons de ses décisions de politique monétaire, ainsi que ses analyses de la conjoncture et des évolutions économiques, monétaires et financières. Cette information sera mise à disposition lors de conférences de presse, d’interventions diverses ou dans le cadre de publications. Je tiens d’ailleurs à vous engager à rendre visite au site internet de la Banque centrale européenne, où vous pouvez trouver divers documents de référence publiés par la BCE, les communications de la BCE à la presse, les retranscriptions d’un certain nombre de discours et bien d’autres choses encore.

Les décisions de politique monétaire seront présentées au public et expliquées au cours de conférences de presse ou de communiqués donnés à l’issue des réunions du Conseil des gouverneurs. En revanche, les minutes des délibérations et les votes des membres du Conseil des gouverneurs ne seront pas rendus publics.

Certaines critiques ont été exprimées à ce sujet parce que les banques centrales de certains pays, dont la Banque d’Angleterre, rendent publics ce type d’éléments. Il ne faut cependant pas se méprendre sur la décision de la Banque centrale européenne. Cette décision a été prise dans le souci de préserver l’indépendance d’esprit et la liberté de jugement des membres du Conseil des gouverneurs. Il faut en effet voir que les membres du Conseil des gouverneurs pourraient être amenés à exprimer leurs vues, lors des délibérations du Conseil des gouverneurs, de manière différente selon la connaissance que le public a de leurs interventions. En outre, les membres du Conseil des gouverneurs pourraient trouver difficile d’expliquer les raisons d’une décision de politique monétaire à des interlocuteurs connaissant la distribution des votes favorables et défavorables à cette décision.

Au total, il me semble que la Banque centrale européenne a fait un choix très fort et clair en faveur de la transparence, en allant bien au-delà des dispositions contenues dans le Traité de Maastricht. Cette transparence, alliée à la pertinence de ses prises de décision et à l’efficacité de leur mise en œuvre, doit contribuer à la crédibilité de la politique monétaire menée par le Système européen de Banques centrales.

Les instruments de politique monétaire de la Banque centrale européenne ont été choisis pour assurer un maximum d’efficacité. Les spécifications détaillées de la stratégie de politique monétaire seront bientôt annoncées.

Les instruments de politique monétaire de la Banque centrale européenne ont été choisis pour assurer un maximum d’efficacité

Le cadre opérationnel de la politique monétaire de la Banque centrale européenne a été élaboré de façon à être très efficace pour transmettre la politique monétaire, tout en étant le plus neutre possible quant à ses effets possibles sur la structure et l’organisation des systèmes financiers de la zone euro. Ces éléments apparaissent clairement au vu des méthodes de mise en œuvre et des spécifications opérationnelles des trois types d’instruments de politique monétaire de la Banque centrale européenne: opérations de marché, facilités permanentes et réserves obligatoires.

Opérations de marché

Je parlerai tout d’abord des opérations de marché. Les opérations de marché régulières du Système européen de Banques centrales prennent deux formes: l’opération principale de refinancement, hebdomadaire et d’une durée de deux semaines; l’opération de refinancement longue, mensuelle et d’une durée de trois mois. Ces opérations seront conduites, à compter du 4 janvier prochain, au moyen d’appels d’offres, auxquels pourront participer un très grand nombre de contreparties, c’est-à-dire les établissements de crédit de la zone euro. Ce processus sera donc à la fois efficace, ouvert et transparent.

Certaines opérations de marché, que l’on qualifie d’opérations de réglage fin, pourront avoir lieu de manière exceptionnelle, mais peu fréquemment, pour une raison que je vais dire tout à l’heure. Ces opérations de réglage fin pourront pour partie être fondées sur des appels d’offres, avec un ensemble plus limité d’offreurs ayant un profil d’activité important et de qualité dans le marché monétaire. Dans certains des pays de la zone, un système de rotation pourra être mis en place afin de faire participer le plus grand nombre possible de contreparties à ce type d’opérations.

Il me reste à relever, pour être complet, que certaines opérations de marché, dites structurelles, pourront être effectuées lorsque l’évolution sur longue période des profils de liquidité le rend nécessaire. Ces opérations seront très peu fréquentes.

Facilités permanentes

Le Système européen de Banques centrales mettra à disposition des établissements de crédit de la zone euro deux facilités permanentes pour des dépôts au jour le jour, d’une part, et d’autre part pour des prêts au jour le jour.

Les taux d’intérêts sur ces instruments, qui ne seront appelés à varier que rarement, détermineront un intervalle entre les bornes duquel évoluera, en règle générale, le taux de marché interbancaire au jour le jour.

Actifs éligibles

Pour les opérations de marché dans lesquels les banques centrales nationales ou la Banque centrale européenne procurent un crédit à leurs contreparties ainsi que lors des utilisations de la facilité permanente de prêt au jour le jour, les contreparties devront apporter des actifs en garantie.

Une liste d’actifs éligibles a été élaborée par la Banque centrale européenne à cet effet. Les actifs éligibles ont été sélectionnés sur la base de critères uniformes, notamment la qualité de signature, au niveau de l’ensemble de la zone euro. Cette uniformité des critères de sélection se vérifie aussi dans le cas de certains actifs spécifiques à certains systèmes bancaires nationaux. Les actifs éligibles pourront d’ailleurs être utilisés indifféremment par tout établissement de crédit de la zone euro, quelle que soit leur localisation.

Certaines mesures de contrôles des risques, telles que quotités, ré-évaluations et appels de marge, seront appliquées aux actifs reçus en garantie. Ces mesures, également uniformes dans la zone euro, bien entendu, ont été développées en conformité avec les meilleures pratiques de marché observées dans ce domaine.

Réserves obligatoires

Le troisième type d’instrument de politique monétaire de la Banque centrale européenne est le système de réserves obligatoires. Les établissements de crédit devront détenir des dépôts dans les banques centrales nationales de telle sorte qu’en moyenne au cours du mois, ces dépôts excèdent un montant de réserves obligatoires calculé en fonction d’un certain nombre d’éléments représentant les passifs monétaires de chaque établissement. Ce système a deux objectifs principaux: la stabilisation des taux du marché monétaire, d’une part, et d’autre part le maintien d’une demande suffisante de monnaie de banque centrale. Une demande suffisante de monnaie de banque centrale doit permettre de préserver le rôle du Système européen de Banques centrales comme principal pourvoyeur de liquidité des systèmes bancaires de la zone euro.

L’idée que j’aimerais faire passer ici est celle de la neutralité du système de réserves obligatoires de la Banque centrale européenne. Le système est neutre parce que les réserves obligatoires sont entièrement rémunérées au taux moyen des opérations principales de refinancement. Les établissements de crédits n’encourent donc en moyenne aucun coût d’opportunité du fait de la détention de réserves obligatoires. Par ailleurs, le coefficient des réserves obligatoires sera relativement bas, puisqu’il a été annoncé qu’il serait fixé entre 1,5% et 2,5%. Enfin, une franchise d’environ 100.000 Euro sera appliquée au montant des réserves à détenir, ce qui permettra aux établissements les plus petits, pour lesquels les coûts fixes de ce système, bien que limités, peuvent être gênants, de ne pas avoir à constituer de réserves. Dans le même temps, la franchise ne sera pas inégalitaire puisqu’elle s’appliquera uniformément à tous les établissements.

Vous voyez donc que le système de réserves obligatoires a été conçu en portant une attention toute particulière aux possibles effets de distorsion de la concurrence. Le résultat est un système léger et neutre, dont l’efficacité devrait néanmoins être grande puisque, comme je le laissais entendre tout à l’heure, il devrait permettre de réduire à un minimum la fréquence des opérations de réglage fin tout en contribuant à stabiliser les taux du marché monétaire.

… Les spécifications détaillées de la stratégie de politique monétaire seront bientôt annoncées

Les préparatifs ayant trait à la stratégie de politique monétaire de la Banque centrale européenne sont d’ores-et-déjà bien avancés. Le Conseil des gouverneurs de la BCE a déjà discuté de ce sujet. Le Conseil des gouverneurs a notamment examiné les avantages et inconvénients respectifs de diverses stratégies possibles, sur la base de travaux engagés par l’Institut monétaire européen et poursuivis par la Banque centrale européenne avec les banques centrales nationales. Certaines stratégies ont été écartées, comme par exemple la stratégie de ciblage des taux de change, inappropriée pour une région de la taille et de l’importance économiques de la zone euro, ayant de plus atteint un haut degré d’intégration.

En fait, deux grands types de stratégies restent candidats, à savoir les stratégies fondées sur un objectif de croissance de la masse monétaire, d’une part, et d’autre part les stratégies fondées sur un objectif direct d’inflation. Une combinaison d’éléments pratiques des deux types de stratégie est toutefois également envisageable. Les deux types de stratégies se rejoignent bien entendu dans l’objectif ultime de stabilité des prix, duquel, comme je l’ai signalé tout à l’heure, la BCE a l’intention de publier une définition quantitative.

Conclusion

La réussite de l’Union économique et monétaire requiert beaucoup d’attention et de travail. De cette réussite dépend le développement d’une culture de la stabilité en Europe, garante d’un développement économique fort et équilibré.

Je suis confiant que nous saurons ma îtriser les risques de l’entreprise. Dans mon intervention devant cet auditoire, j’ai essayé de montrer l’importance que la Banque centrale européenne attache à ses objectifs et aux principes de transparence et de responsabilité. Dans le domaine de la stratégie et des instruments de politique monétaire, j’ai également esquissé les résultats des travaux de la Banque centrale européenne, avant elle de l’Institut monétaire européen, et des banques centrales nationales. J’espère ainsi avoir montré quelle est la contribution décisive du Système européen de Banques centrales au succès de l’Union économique et monétaire.

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